SANS CONCESSION
« Plus jamais ça ! » nous dit un officiel après la première rétrospective de Michel Macréau.
En 1992, au Musée d’Annecy, elle suscite de vives polémiques !
Aujourd’hui, on met en lumière l’œuvre des peintres comme Marfaing, Chu Teh-Chun… et Michel Macréau (1935-1995) qui durant les années soixante se sentit bien seul dans sa démarche créative sans concession. Plus tard, me confia t-il, « je découvris l’œuvre de Penck à Berlin : je n’étais pas seul, il y avait une famille ». Son marchand en Allemagne, Nothelfer, lui organisa une exposition personnelle à la Fiac à Paris en 1988 qui suscita un début d’intérêt du marché de l’art.
Lorsque je lui demandais s’il était heureux de cette reconnaissance en dehors du cercle de ses fidèles collectionneurs, après un silence
« Non, je suis inquiet d’être à la mode »
Reste à souligner sa formation artistique : lycée de Sèvres, et à l’atelier du fresquiste Lesbounit. Il s’indignera lorsque l’on voulut l’associer à l’art brut.
Très tôt il fut apprécié par le marchand Raymond Cordier, qui l’exposa en 1962 .
En 1964 le critique Gassiot Talabot le classera dans la Figuration Narrative.
Ami d’artistes du mouvement Cobra, il se retrouvait avec Maryan, Pouget, Chaibia… chez la marchande Cérès Franco, dans sa galerie haute en couleurs, l’Oeil de Bœuf.
Dans l’appartement privé de Cérès, trônait une des deux grandes toiles peintes à 4 mains avec l’ami Corneille, qui écrira dans une préface lors d’une exposition de Macréau :
« Ils sont ni tendres, ni mignons, ce sont des hallucinés : ils sont terribles de vérité… »
Par manque de moyens à ses débuts, l’artiste s’approprie divers supports allant jusqu’à arracher des lattes de parquet dans le squat où il logeait pour en faire des châssis, tendant les draps de lit estampillés hôpital fournis par sa femme Claude Pessey, sculptrice.
Dans un premier temps, il presse le tube éjaculant la matière noire en un lacis saturant toute la surface de la toile.
L’œil ne regarde pas …il dit
L’œil ne s’interroge pas…il sait
Ouvert aux expériences et supports qui pouvaient enluminer son écriture :bombage, pancartes, sacs de toile de jute, des mots avec lesquels il jouait tel un chat avec une souris.
Il fit en 1970 une grande peinture éphémère en public à Ibiza :
« Le Graffiti est le seul style de peinture qui soit vivant en 1973 »
Combas depuis des années affirmera son vif intérêt pour cette peinture. Rebeyrolle écrira dans une lettre préface :…. « regrette d’avoir découvert trop tard l’œuvre et n’avoir pas connu l’Homme… »
Des regrets aussi pour ce créateur qui avait le sens inné du monumental et faute de commandes réalisa quelques assiettes à Vallauris où il ne réussit pas à rencontrer Picasso..juste la sonnette muette et la porte close.
Il rêvait d’investir une église, il pensait bien sûr à Matisse. Pendant toutes ses années de création, dans son atelier, il mettait de côté des œuvres où au dos était inscrit « Projet pour une Chapelle ».
Lors de la rétrospective à Bourges en 1995 dans une chapelle désaffectée, Michel Macréau dessina une suite de faces christiques qui enlumineront les dernières pages de son journal.
Reste le témoignage filmé de cette installation « Epanchement de ligne »
Jean Dominique Jacquemond
Septembre 2024